Lycurgue, législateur semi-légendaire de Sparte, et fondateur mythique du fascisme authentique.
Article publié par les revues Rébellion (n°97), Solaria (n°57) sous le titre "Les lois de Sparte, Lycurgue et Apollon" , et rediffusé sur le site de jeune-nation.org.
Lycurgue, père mythique du fascisme
Publié par la revue Rébellion et Jeunenation.com (sous ce titre)
Et par la revue Solaris (sous le titre « Les lois de Sparte : Lycurgue et Apollon)
Plutarque, dans ses Vies parallèles, décrit comme suit la légende associée à Lycurgue : « On ne peut rien dire sur le législateur Lycurgue qui ne soit sujet à controverse. » La première de ces controverses est l’époque à laquelle vécut le légendaire législateur de Sparte. Lycurgue (littéralement : « celui qui tient les loups à l’écart ») aurait vécu si on en croit Aristote au VIIIe siècle av J.-C., ce qui ferait de lui un contemporain du poète Homère. D’autres, comme Xénophon, disciple du philosophe Socrate, font remonter son existence à la fin de l’âge du bronze grec, soit à la fin du XIIe siècle av J.-C. D’autres encore affirment qu’il existerait deux Lycurgue, que la tradition orale aurait unifié en un seul personnage.
La plupart des Anciens semblent néanmoins s’accorder sur le fait que Lycurgue était un descendant d’Héraclès (Hercule pour les Romains), et fils cadet du roi de Sparte Eunomos. Plutarque raconte qu’il naquit en pleine période d’anarchie, en un temps où l’autorité monarchique était contestée par ses sujets, où les rancœurs régnaient et l’harmonie sociale était inexistante. Le père de Lycurgue lui-même, en tentant de mettre fin à une énième rixe en pleine rue, fut tué, de la lame d’un boucher.
Le frère aîné de Lycurgue monte alors sur le trône. Et disparaît lui-même peu après. On le croit sans enfant : Lycurgue fut proclamé roi. Mais bien vite on s’aperçoit que l’épouse de son frère tout juste défunt est enceinte. Aussitôt, Lycurgue déclare que si c’est un garçon, il sera proclamé roi. L’épouse indigne lui propose alors un marché : elle est prête à tuer son propre enfant et se propose d’épouser Lycurgue ensuite. Celui-ci va feindre d’accepter, en réclamant vouloir tuer l’enfant lui-même une fois celui-ci né. Quelques mois plus tard, c’est un garçon qui naît, et celui-ci est proclamé roi par Lycurgue en personne, et est préservé de tout plan meurtrier.
La famille de la mère n’oubliera jamais cet affront. Bientôt elle accusera Lycurgue, tuteur de l’enfant, de vouloir attenter à ses jours. Sentant le vent tourner en sa défaveur, Lycurgue décide de quitter Sparte et de voyager à travers le monde.
C’est le début d’un périple de plusieurs années qui l’aurait mené en Crète, en Asie Mineure, en Egypte, en Espagne, et peut-être même jusqu’en Inde. Lentement, par l’observation des lois et des mœurs de l’étranger, Lycurgue va façonner une vision personnelle du monde qui inspirera ses faits et gestes futurs.
Si aucun auteur ne nous indique la durée exacte de son voyage, on sait en tout cas que ce sont les Spartiates eux-mêmes qui auraient réclamé son retour, à une époque où son jeune neveu ne parvient pas à imposer son autorité sur la Cité.
Lycurgue revint alors, et désira modifier la constitution de la Cité. Il commença par aller à Delphes, consulter la célèbre Pythie, afin de savoir si Apollon approuverait son action future. La réponse fut limpide : Lycurgue fut décrit comme « aimé du dieu, et dieu lui-même plutôt qu’être humain ».
Revenu à Sparte Lycurgue livra un constat sans complaisance sur la société spartiate : pour lui c’était un corps malade, qu’il fallait purger. Ralliant d’abord un groupe dévoué de citoyens, les « meilleurs » selon Plutarque, puis parvenant à convaincre assez de citoyens pour imposer son autorité à la Cité, il imposa une véritable révolution.
Tout d’abord il instaura un Conseil des Anciens afin d’équilibrer le pouvoir du roi et celui du peuple, divisa la Cité en tribus et circonscriptions, et procéda à la redistribution des terres, à l’époque détenue par une poignée d’individus au détriment d’une masse de familles démunies.
Son désir était de chasser la jalousie, le vice, le luxe, mais aussi toute richesse et toute pauvreté. Il affirmait que la seule supériorité était « celle qu’assure la vertu, puisqu’entre un homme et un autre il n’y a d’autre différence et d’autre inégalité que celles qui procèdent de la honte des mauvaises actions et de la gloire des beaux exploits ».
Lycurgue obtint la mise en commun de toutes les terres de Sparte. La Cité comptait neuf mille hommes Spartiates, et elle sera divisée en 9000 lots égaux.
La mesure la plus sévère fut la suppression de la monnaie d’or et d’argent, remplacée par le fer, avec une très faible valeur, et qui serait dure à transporter. Cette monnaie de fer n’ayant de valeur qu’à Sparte, celle-ci put ainsi vivre en autarcie, auto-suffisante. Plutarque en donna une belle image : « Au temps de Lycurgue, Ploutos, dieu de la richesse, était aveugle et inerte, comme une peinture privée de vie et de mouvement. »
La mesure que Plutarque considère être la meilleure est celle que les futurs chrétiens reprendront bien plus tard : les repas en commun. A Sparte il fallait une excuse valable pour pouvoir les manquer, que l’on soit roi ou simple spartiate.
Pour encourager la natalité, il rendit infâmant le célibat, et procéda à une refonte de l’éducation des Spartiates : La maîtrise de soi et la tempérance devaient être acquises par les jeunes Spartiates dès leur enfance, de façon que les bonnes mœurs soient réellement partagées par tous, et non inscrites dans des lois.
Il est vrai que Lycurgue ne fut pas sans ennemis. Les plus riches spartiates tentèrent de se coaliser contre lui, et d’abréger ses jours, sans succès. Certains Spartiates lui reprochèrent aussi de vouloir affaiblir l’autorité royale. Il répondit qu’au contraire qu’il l’avait rendu plus durable.
Force est de noter qu’à aucun moment la tradition ne retient qu’il tenta de devenir roi lui-même.
Tous ces décrets étaient selon Lycurgue dictés par Apollon en personne. Aussi, sa tâche divine accomplie, Lycurgue voulut consulter une nouvelle fois l’oracle de Delphes afin de savoir si Apollon approuvait les nouvelles lois de Sparte. Il exigea de ses concitoyens qu’ils lui jurent de rester fidèles à ses lois jusqu’à son retour. Ceux-ci jurèrent, sans se douter de rien.
Après la réponse positive de l’oracle, Lycurgue voulut que ses concitoyens respectassent pour toujours ses lois. Aussi, ayant choisi de ne pas les délier de leur serment en revenant à Sparte, Lycurgue, décidant qu’il avait assez vécu, se laissa mourir de faim. Les Spartiates le diviniseront et dresseront un temple en son honneur.
Apollon lui avait affirmé que Sparte resterait vertueuse et heureuse aussi longtemps qu’elle appliquerait les lois que Lycurgue avait su instaurer. Et à la fin du Ve siècle av J.-C. le roi Agis II réintroduisit l’usage de l’or et de l’argent à Sparte. Ce fut le début du déclin de la Cité, qui perdit bientôt son hégémonie militaire en Grèce conquise au prix de mille sacrifices.
Que retenir de Lycurgue ?
Il fut peut-être l’un des premiers, et à coup sûr celui dont la grande Histoire retint le nom, à associer au sens de la communauté la recherche de la justice sociale. Il connut dans sa jeunesse un temps de troubles, de chaos, qui peuvent expliquer son action future et sa disposition à vouloir extirper le Mal de Sparte. Son ennemi avait un nom, l’Argent. Celui qui corrompt l’âme et le monde.
Aussi son souhait fut d’arracher la racine du chaos par la rupture morale avec l’ancienne Sparte, en bannissant le luxe, l’argent et l’égoïsme. Cette renaissance par le balayage de l’ancien équilibre régentant la Cité passa par une restructuration totale de la société, par une éducation nouvelle pour la jeunesse, basée sur l’inculcation du courage et du dévouement à la patrie.
L’égalité que recherchait Lycurgue était sociale, non morale : il y avait quelque chose du gouvernement des meilleurs dans ses vues, ces meilleurs qui furent les premiers à le suivre dans sa révolution.
Plutarque affirma que chaque Spartiate était à ce point pénétré des idées nouvelles amenées par Lycurgue que « chaque Spartiate n’avait pas le sentiment de s’appartenir à lui-même, mais d’appartenir à sa patrie ».
Patrie contre laquelle l’ennemi éternel se dressait déjà. L’Ennemi, au sens de Carl Schmidt, que l’on juge hors de l’unité politique que l’on veut créer comme défendre et contre lequel on entame une lutte existentielle, est depuis toujours le même : l’oisif riche, satisfait de l’injustice qui a fait sa fortune.
Les deux grandes dynamiques qu’il conjugua : sens aigu du dévouement communautaire et de la justice sociale, auront une postérité inégalée. Se manifestant de façon informelle à travers les âges, elles furent modernisées et sophistiquées à la fin du XIXe siècle en France.
Devenues dans leur dénomination modernes nationalisme et socialisme, elles changeront une dernière fois de nom après la Première Guerre mondiale sous l’influence de l’Italie. Il n’y aura d’ailleurs désormais plus qu’un seul terme pour les désigner, celui de « fascisme ».
Le 02/11/2022.