Yockey avait bien vu que les micro-nationalismes européens étaient dépassés... Et que l'unité d'une Europe nouvelle s'imposait. Publié par voxnr.fr le 25/07/23.
La fin des vieux nationalismes d’Europe selon Francis Parker Yockey
Francis Parker Yockey affirma en 1953 : « Dans l’un de ses résultats, la Deuxième Guerre mondiale montra au monde entier que l’âge du nationalisme est fini pour toujours. »
Pourquoi pareil constat ?
Yockey avait déjà précisé dans son opus magnum, l’ouvrage Imperium (paru en 1948), ce qu’il entendait par le terme de « nation ». La nation, explique-t-il, « est une Idée. Ses manifestations matérielles sont les réalisations de cette Idée à mesure qu’elle s’accomplit. »
Le nationalisme cependant n’est pas l’expression automatique de l’Idée-nation. Il s’agit plutôt de la manifestation d’un stade très particulier la vie de celle-ci, celle où est arrivée la civilisation européenne au XVIIIe siècle , et correspondant à la rationalisation, néfaste pour Yockey, de l’Idée-nation. Le nationalisme européen (alors que Yockey était pourtant de nationalité américaine) qu’il défendait distinguait très clairement la nation de l’unité politique et de la langue, et ne devrait pas tant s’appeler nationalisme qu’ « organicisme européen », expression qui nous paraît plus juste. On peut parler d’organisme, parce qu’à l’instar de Spengler, l’un de ses maîtres à penser, Yockey considère que l’Europe est un organisme vivant, connaissant donc une naissance, un âge mûr, une vieillesse, mais aussi une future régénération.
C’est bien sûr l’occupation américano-soviétique de l’Europe et la défaite de l’Axe qui ont précipité la fin clinique des nationalismes. De plus l’armée américaine occupait l’Europe de l’Ouest, preuve s’il en était de l’absence totale de souveraineté des « alliés » de l’Ogre américain. L’URSS quant à elle occupait toute l’Europe de l’Est. Mais l’analyse de Yockey va beaucoup plus loin : à ses yeux, la grande perdante du conflit est l’Europe : « l’Europe (…) a perdu la guerre. » L’Europe, c’est-à-dire « L’Organisme de la Civilisation Occidentale ». L’Occident n’a pas encore acquis le sens évolien de « région gangrénéé par le libéralisme moderne », il faut le comprendre au sens historique et géographique. Il ajoute que « Cela signifie non seulement que la puissance de l’Occident est sapée, mais que les moyens de subsistance de l’Occident ont aussi été coupés. »
Yockey, lequel a appelé à la renaissance organique de l’Europe lors de la proclamation de Londres de 1949, ne reconnaît donc pas la déroute du nationalisme européen d’avenir qu’il appelle, le nationalisme à la fois culturel, spirituel et continental qu’il promeut avec force, mais la déroute et la vacuité des nationalismes « provincialistes », pour utiliser une expression d’un de nos Anciens, Cuadrado Costa. Autrement dit, les nationalismes français, italiens, allemands, et anglais sont morts ou agonisants. En 1950, Yockey y a consacré un texte, The Death of England, où il explique que « La politique qui émane de Londres, comme celle de Rome, ou de Bonn, ou de Paris, est simplement un reflet de la politique américaine. » Au fond, le malheur de l’Europe est sensé l’avoir débarrassé des anciens chauvinismes. C’est donc, au moins virtuellement, un mal pour un bien.
Dans ce même texte, il affirme que la renaissance de l’Europe passera par une conversion de l’élite européenne, qui doit « désapprendre les vieilles habitudes de la pensée nationaliste et étatique-étroite et doit commencer à se penser comme européenne indifférenciée », l’indifférenciation signifiant ici se considérer comme politiquement européen, et reconnaître que l’intérêt vital des Européens pour retrouver leur indépendance et survivre en temps que peuple nécessite l’unité organique de l’Europe. Notons que contrairement à Thiriart, Yockey reste très vague quant à la constitution politique que devra adopter cette nouvelle Europe. On sait seulement qu’elle ne pourra pas être démocratique, au vu de l’aversion de l’auteur d’imperium pour ce qui n’est à ses yeux que, de la même manière que le nationalisme, « le sous-produit du rationalisme ».
Ainsi, Francis Parker Yockey, précurseur de Jean Thiriart, continuateur de Drieu la Rochelle et d’une certaine manière de Niekisch, avait déjà perçu l’impératif de notre temps, à savoir la nécessaire disparition des « micro-nationalismes », selon l’expression thiriarienne, contre lesquels fulminera justement quelques années plus tard le dirigeant de Jeune Europe, parce que ni la France éternelle, ni l’Espagne glorieuse, ni l’Angleterre orgueilleuse, et encore moins l’Allemagne en ruines, ne pourront constituer un obstacle majeur aux ambitions américaines. Yockey en profite d’ailleurs pour rectifier un point de vue selon lequel Washington était notre allié au cours du conflit. Il affirme : « certains Européens entretinrent l’illusion confortable que Washington n’était hostile, en Europe, qu’à certaines strates, qu’à certains peuples de culture et qu’à certaines idées. En réalité, l’ennemi de Washington était la classe porteuse-de-culture de l’Europe, cette strate invisible de la population qui en vertu de sa sensibilité aux impératifs culturels est la gardienne du destin de la civilisation occidentale, et qui le restera jusqu’à la fin de l’histoire occidentale ».
Un des traducteurs de Yockey en langue allemande, Frederick C.F Weiss, a d’ailleurs pu écrire quant à l’attente d’une aide éventuelle de l’Amérique : « Qu’aucun européen ne rêve d’une aide ou d’une coopération venant de cette région ».
Avant Dominique Venner, l’ami Yockey avait compris la différence entre « nationaux » et « nationalistes ». Mais à l’échelle de l’Europe, et non de la seule France. L’Europe ne pourrait pas survivre si elle subissait encore une « désintégration » laissant subsister des « « nations » minuscules ».
Cependant, Yockey ne pouvait pas voir que les élites européennes, loin d’acquiescer à une tentative d’émancipation vis-à-vis des Etats-Unis, feraient fi de leur appartenance culturelle pour la troquer contre un ticket d’entrée dans l’univers si confortable du cosmopolitisme, au sens le plus antieuropéen du terme. Il n’a pas pu voir que les ambitions européennes des représentants de la gauche et de la droite de gouvernement ne remettraient jamais en question le rôle d’auxiliaires de Washington. La crise actuelle en Ukraine n’en est que l’énième manifestation.
Raison pour laquelle l’émergence d’une élite de rechange, élite à la fois dans sa haute moralité, dans son patriotisme européen comme dans ses compétences dans les domaines clés de la puissance (hautes technologies et technique en général, administration, université, forces armées etc) est plus que jamais nécessaire.
On mène toujours une lutte contre un ennemi. Quel est cet ennemi, selon Yockey? Il l’a désigné: c’est « l’Amérique ». L’Amérique, parce qu’elle serait totalement contrôlée par le « parasite de la Culture », c’est-à-dire le Juif. C’est lui qui aurait, en vérolant l’organisme européen, été au moins partiellement responsable de sa décadence, et de la résistance à ce que Yockey nomme la « mission mondiale de l’Occident ». Quelle mission ? Celle qui consiste à dominer le monde pour le civiliser, tout simplement. Yockey n’y voit pas là, à notre sens, une bonne ou une mauvaise chose. Là est l’avenir du monde, un avenir obligatoire, auquel rien ne pourra résister, parce que nous sommes entrés dans l’âge de la « politique absolue », autre manière de dire que l’Europe va renouer avec l’ardeur de jeunesse du printemps de sa vie, et exprimer une « volonté de puissance » qui conquerra le monde au nom d’une « mission » vitale qu’elle se sera fixée.
Que l’on approuve ou pas ces idées, il n’en demeure pas moins que c’est à nous, jeunes et moins européens, de nous armer moralement pour affranchir notre continent de son joug.
Vincent Téma, le 24/07/2023.