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La naissance du sentiment national français

C'est dans la défaite que s'est forgé le sentiment d'appartenance à la patrie française... Publié par jeune-nation.com le 31/07/23.

 

 

 

La naissance du sentiment national français

 

 

Le sentiment national français est né pendant la Guerre de Cent Ans. C’est là un lieu commun. 

L’historien Georges Minois, spécialiste des derniers siècles du Moyen Age, écrit que le sentiment national français a pour origine la propagande royale, c’est-à-dire d’abord et avant tout Les Grandes Chroniques de France, qui constituent la première pierre sur laquelle se construira la fierté nationale française. 

L’origine de ces chroniques remontent à Saint-Louis. C’est même le monarque canonisé en personne qui eut l’idée de faire écrire, d’abord par le moine de Saint-Denis Primat, un récit selon lequel Dieu aiderait et favoriserait le roi de France. C’est néanmoins au cours de la Guerre de Cent Ans que ces chroniques vont changer d’objectif. Bientôt, elles perdront leur titre originel, Le Roman des Rois, pour celui de Chroniques de France. Elles deviennent une œuvre de propagande sous le règne de Charles V, roi qui chargera son chancelier, Pierre d’Orgement, de les rédiger. Ce juriste de formation y défendra le droit des Valois contre celui des rois d’Angleterre de la dynastie Plantagenêt, qui lui disputent sa couronne. Sous le règne du « roi fou » Charles VI, une cinquantaine de copies sont envoyées aux grandes familles de l’aristocratie, pour y développer un sentiment d’appartenance nationale. Les grandes familles féodales pouvaient en effet facilement changer de camp au cours du conflit. La monarchie tentait en effet de renforcer les liens de la traditionnelle allégeance féodale par le sentiment patriotique.

Sous le règne de Charles VII, Jean Chartier reçoit pour mission de poursuivre les travaux du chancelier d’Orgement. Son rôle dans la naissance du sentiment national français est fondamental. Le prestige de ces chroniques érudites et richement illustrées contribue fortement à l’influence qu’ils auront sur les esprits cultivés de l’époque. L’historien Bernard Guénée écrit en effet : « Dans le développement du sentiment national français à la fin du Moyen Age, la connaissance du passé français a joué un rôle fondamental. Le sentiment national français a une composante historique qui est essentielle. Les Chroniques de France ont assurément été l’histoire de France la plus élaborée, la plus prestigieuse, et peut-être la plus diffusée. »

Accompagnant le sentiment d’appartenance, arrive la nécessité de définir un territoire national. Pour se faire, on usera à l’époque de l’argument de la « nature ». La nature, c’est-à-dire Dieu, a décidé de séparer l’Angleterre du reste du continent, et donc de la France, par la Manche. S’il y a donc des Anglais et des Français, c’est par la volonté du Seigneur, et s’y conformer revient à être pieux. Régnant sur ce territoire « naturel », règne un roi pareillement « naturel ». Ces monarques, la France les a déjà , il s’agit des Valois. Et avec les Valois une langue, au moment même où depuis Richard II les rois d’Angleterre n’ont plus pour langue maternelle le français. Selon Georges Minois « un véritable culte patriotique se met en place qui exige dévouement et sacrifice. Mourir pour la patrie devient le devoir noble par excellence, nouvelle version du martyre. La guerre royale annexe la guerre sainte : mourir pour sa foi assurait le paradis, mourir pour son pays assure la reconnaissance de la nation. »

L’idéal chevaleresque lui-même évolue. Jusque vers 1400, il se bat d’abord et avant tout pour l’honneur, les dames, le butin, la gloire, la défense de sa famille ou d’un ami, ou par obligation féodale. Alors que le plus célèbre des connétables de France, Du Guesclin, se battait semble-t-il davantage par fidélité féodale et goût de la bataille que par devoir patriotique, notion alors inexistante. C’est le désastre de la bataille d’Azincourt qui va en quelque sorte éveiller l’idée de l’appartenance à la France. C’est bien face au malheur que se crée un sentiment d’appartenance à une nation sur le point de connaître les brigandages, pillages et destructions multiples réservées au pays des vaincus. 

Le roi va lui aussi aider à forger ce sentiment. Lorsqu’en 1450 Cherbourg, dernière ville de Normandie à encore résister à l’armée royale tombe, Charles VII ordonne que le 12 août devienne un peu l’équivalent du 11 novembre ou du 8 mai de nos jours, c’est à dire que chaque ville possédant une cathédrale organise une procession d’actions de grâce ainsi qu’une messe solennelle. Les évêques eurent alors pour consignes d’y faire des sermons authentiquement patriotiques. L’un d’eux, dont le texte a été conservé, remercie pour tous ceux qui sont morts au champ d’honneur « par amour pour le pays ». Les villes du royaume célèbrent alors leur libération des Anglais, comme Orléans ou Rouen. Des pièces de théâtre sont même montées, comme la Déconfiture de Talabot, pour célébrer les victoires militaires françaises. A l’inverse du sentiment patriotique anglais, construit sur un triomphe, celui de la France s’est forgé par une défaite. Georges Minois affirme « ce sont les élites intellectuelles et politiques qui prennent l’initiative, en construisant (…) un édifice idéologique autour de la mystique royale et de l’édification d’un passé mythique. »

C’est donc selon le même historien que le sentiment patriotique français «a besoin de constructions intellectuelles pour se rassurer. » 

Leçon intéressante : C’est l’hostilité vis-à-vis d’une autre nation qui mobilise les peuples. Après le sentiment anti anglais, viendra le sentiment anti espagnol pendant les guerres d’Italie qui perdurera jusqu’à Louis XIV, date où du fait de l’arrivée d’un Capétien sur le trône de France, l’Espagne passe subitement du statut d’ennemie à celui d’ami. Lui succédera le sentiment anti autrichien, qui perdurera jusqu’à la Révolution française (on se souvient que Marie-Antoinette était appelée par les sans-culottes « l’autri-chienne », en accentuant sur la dernière syllabe), puis le sentiment anti anglais ressurgira, jusqu’en 1870. L’Allemand devint alors l’ennemi héréditaire. 

Chaque époque de transition exige de retrouver des repaires, de questionner les identités des uns et des autres. Puisque « tout est politique », comme l’affirmait Jean-Marie le Pen, il faut bien redéfinir l’ami et l’ennemi (comme quoi, on ne peut jamais sortir du schéma de Carl Schmitt). L’autre grande idée à retenir à notre sens est que sans péril, et donc sans douleur, le sentiment national périra définitivement, à l’heure où tant d’ennemis se pressent au chevet de la Patrie, et que tels des vautours, tous les lobbys de l’anti-France attendent que son corps ne donnent plus signe de vie pour se repaître de son cadavre. 

 

Vincent Téma, le 26/07/2023.

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