Quand les NR s'inspirent des expériences du monde arabe, ils en tirent quelques leçons... Publié par voxnr.fr le 18/08/23.
Les NR et le panarabisme :
(Publié par voxnr.fr le 18/08/23)
L’intérêt des NR pour des expériences sociales-patriotes étrangères est assez ancien. Certains précurseurs, comme Maurice Bardèche, avaient déjà trouvé au sein de « l’Orient compliqué » des applications réelles des politiques qu’ils espéraient voir mettre en œuvre en Europe.
Dans son petit livre Qu’est-ce que le fascisme, publié en 1961, commentant l’action du président Nasser en Egypte, le professeur Bardèche avait déjà affirmé que « la volonté d’indépendance nationale et le sentiment de poursuivre un but qui n’est réductible ni au communisme ni au libéralisme capitaliste ont amené Nasser aux déductions les plus fermes et les plus spectaculaires ». A ses yeux Nasser « veut faire échapper à l’Egypte à toutes les formes de l’exploitation capitaliste : il en a conclu logiquement qu’il ne pouvait pas permettre au colonialisme de rentrer par la fenêtre après avoir été chassé par la porte, c’est-à-dire de réaliser par la diplomatie ce protectorat qu’il n’avait pu maintenir par l’occupation. »
Bardèche a vu dans le nassérisme, idéologie très proche du baasisme, un « régime (…) défini à plusieurs reprises comme un socialisme national autoritaire qui admet et protège la propriété privée, mais s’oppose à l’exploitation et au monopole. » Islamophile authentique, Maurice Bardèche, admirateur de la virilité islamique, a vu une concordance entre « mystique fasciste » et islam.
Jean Thiriart, qui a pu rencontrer Nasser lorsqu’il était à la recherche de financements pour Jeune Europe, affirma qu’il avait été très déçu par sa rencontre. Nasser n’était à ses yeux qu’une sorte de figurant. Néanmoins, la résonnance de la conception du monde nassérienne avec celles du socialisme national était déjà nettement constatée.
Celui qui fut sans doute le plus insistant sur l’inspiration que les NR devaient chercher hors d’Europe parmi tous les intellectuels de la mouvance est très vraisemblablement François Duprat. Celui-ci a notamment écrit sur l’inspiration que les NR pouvaient cultiver dans la pensée et l’action du Baas, mouvement très proche du nassérisme.
Qu’est-ce que le Baas ? C’est à l’origine une mouvance intellectuelle. Les principales idées que cette mouvance combine sont les suivantes : socialisme, laïcisme, et nationalisme panarabe. L’idée panarabe, cousine du panafricanisme, est de constituer un Etat unique englobant toutes les régions dont le parler serait l’arabe. Plusieurs mouvances politiques, reprenant le nom du mouvement (qui par ailleurs a pour signification « résurrection ») sont nées en Syrie et en Iraq.
Michel Aflak, chrétien orthodoxe de Syrie, fut le principal intellectuel du « baasisme ». Celui-ci a défini l’idéologie de son mouvement selon des critères auxquels les NR ne peuvent être que réceptifs : Aflak croit en la « régénération par le feu », autrement dit à un choc culturel capable de souder les nations arabes et de les débarrasser des obscurantismes religieux. Il n’y a d’ailleurs aux yeux du Baas qu’une seule nation arabe, ni ethnique ni religieuse, mais linguistique. Le parti baasiste lui est l’avant-garde de la nation et comme « l’image projetée de la nation arabe » selon l’historien Olivier Carré.
L’analyse de l’impérialisme et du sionisme de Duprat « recoupe en bien des points » celle des NR selon Nicolas Lebourg. De plus, Aflak a écrit que le parti Baas n’était qu’un « porte-parole » du mouvement d’émancipation national qu’il souhaitait, ce qui est encore un point commun avec la conception des vues nationalistes-révolutionnaires.
De plus, la pratique militante du Baas, consistant à créer et animer des sections dans tous les pays arabes, fut clairement imitée par Jeune Europe dans les années 1960.
Dans une optique plus proche de Jean Thiriart que de François Duprat, l’inspiration qu’en tirèrent les NR porte aussi sur une réalisation éphémère mais parfaitement représentative de la tentative de fusion des nations souhaitée par le théoricien belge : la République arabe unie. Le 1er février 1958, la Syrie et l’Egypte annoncèrent la fusion de leurs deux nations. L’expérience durera un peu plus de trois ans, et s’achèvera le 28 septembre 1961, avec pour résultat un retour à la situation précédente.
Le Baas syrien a pour devise « Unité Liberté Socialisme », se veut à la fois socialiste et nationaliste, mais n’accepte pas le collectivisme, ou encore l’internationalisme prolétarien. Diverses politiques de nationalisations, de planification et de grands travaux furent décrétées par ce parti dans son pays. Il n’en faut pas plus pour être apprécié par les NR.
Duprat affirma en 1974, dans les colonnes du Supplément à la revue d’Histoire du fascisme, que ce socialisme baasiste était « identique à celui de tous les mouvements de type fasciste », et que les régimes qui s’en pouvaient légitimement s’en revendiquer étaient « nationalistes et populaires ». Duprat définira d’ailleurs le nationalisme-révolutionnaire comme une tentative d’application des idées du baasisme ou des idées du colonel Kadhafi en Europe, dans une version propre au Vieux Continent.
Après l’assassinat de Duprat, ce qu’il advenait de ce socialisme patriotique au Moyen-Orient n’intéressa plus, en France du moins.
Chez nos voisins les exemples arabes ne sont pourtant pas négligés : Les NR italiens de Terza Posizione considéraient la Libye de Kadhafi comme un exemple. Franco Freda a fait imprimer Le Livre vert, ouvrage où le « « Guide de la Révolution libyenne », panarabiste affirmé, a consigné sa propre doctrine. Le Parti Communautaire National européen (PCN), mouvement belge NR fondé par Luc Michel en 1984, plaça aussi Kadhafi comme une de ses grandes figures tutélaires.
Néanmoins, à l’époque de la Guerre du Golfe, le thème baasiste réapparaît chez les NR de l’Hexagone. Une certaine solidarité entre les partis classés par les politologues à l’extrême-droite se fait à cette occasion dans le refus de la guerre en Iraq, mais les NR eux soutiennent Saddam Hussein, notamment son antenne marseillaise en distribuant des tracts représentant le visage de Saddam Hussein avec le sigle de leur mouvement, Troisième Voie à l’époque, en raison de leur soutien de la nature du régime lui-même.
Notons qu’à Angers, une autre antenne de Troisième Voie distribuera un tract alternatif sur lequel est inscrit une demande limpide : celle d’arrêter la « Bu$herie » et présentant comme illustration un jeune palestinien, keffieh sur la tête et armé d’une fronde, ainsi qu’une illustration représentant une statue de la liberté tenant dans sa main une…Ménorah à la place du flambeau usuel. Y est affirmé un lien entre bombardements de Dresde de 1945, la situation de Tripoli et ce qu’ils nomment le « génocide commis par l’Etat raciste israélien » à Sabra et Chattila.
Il est intéressant de noter que le mouvement Troisième Voie, dans un texte publié en septembre 1990, va affirmer que parmi ses références il y a…Gamal Abd el Nasser, ancien président de la République arabe unie.
Le puit de leçons et d’exemples à tirer de l’étranger est-il aujourd’hui tari ? Je ne le pense pas.
Vincent Téma, le 17/08/23.