Quand Hugo mentionne le livre sacré des musulmans...
Le moment Hugo, chapitre IV :
Verset du Koran
Je vous propose aujourd’hui une petite réflexion sur un poème de Victor Hugo, encore une fois tiré de La Légende des siècles. Voici le poème en question, intitulé « Verset du Koran » :
La terre tremblera d’un profond tremblement,
Et les hommes diront : Qu’a-t-elle ? En ce moment,
Sortant de l’ombre en foule ainsi que des couleuvres,
Pâles, les morts viendront pour regarder leurs œuvres.
Ceux qui firent le mal le poids d’une fourmi
Le verront, et pour eux Dieu sera moins ami ;
Ceux qui firent le bien ce que pèse une mouche
Le verront, et Satan leur sera moins farouche.
Le poids que doivent supporter les bons et les mauvais semble très proche, équivalent même. Hugo est manifestement en train d’affirmer que dans le « Koran » les hommes finiront bien, même le jour du Jugement, par souffrir, quel que soit leur choix, quel que soit leur « camp » dans la lutte entre le bien et le mal. Toute chose, même de l’importance la plus infime, pourra être reprochée ou utilisée pour nuire à ceux qui "avalent des couleuvres."
Satan s’intéresse aux justes, aux bons, et il ne s’emportera pas contre eux, puisqu’il veut les cueillir.
Le choix du mot « couleuvres » est intéressant. L’usage traditionnellement négatif du terme en poésie, peut-être à mettre en relation avec le serpent de la Genèse, signifie-t-il qu’Hugo considère-t-il que le Koran affirme les âmes, quelles qu’elles soient, comme authentiquement et profondément mauvaises ? Faut-il comprendre que l’Homme est mauvais par nature, ou qu’il est accablé par nature?
Faut-il de même comprendre la pâleur des morts comme la couleur que le corps affecte non pas seulement à cause du décès, mais aussi à cause d’un désespoir abominable, parce que peu importe le choix qui sera le sein, l’Homme en pâtira ?
Notons la comparaison entre Dieu et Satan, comme si les deux se valaient, comme la paire indissociable d’une croyance qu’Hugo rejette, à cause de l’iniquité qu’elle manifeste. L’un, supposé bon, est aussi mauvais que l’autre, la différence n’étant plus que de nom.
Hugo, qui luttait par sa plume contre l’intolérance, n’a-t-il pas trouvé là justement le moyen nécessaire qu’il lui fallait pour exprimer sa détestation profonde de l’obscurantisme religieux, lequel a pour origine des religions abrahamiques…Où Dieu et Satan ont les meilleures places. Oui, on peut affirmer qu’Hugo ne portait pas dans son cœur la religion des « mahométans ».
Vincent Téma, le 13/09/23.