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Quelques maximes d'Antoine de Rivarol

J'évoque ici la figure de Rivarol, et quelques-unes de ses considérations. 

Quelques maximes d’Antoine de Rivarol

 

 

 

Antoine de Rivarol, né en 1753, a écrit un Discours sur l’universalité de la langue française, en 1784. C’est son œuvre la plus connue, où il défend le génie propre de la langue française ainsi que son universalité.

En 1784, l’Académie de Berlin avait en effet proposé comme sujet : « Qu’est-ce qui fait de la langue française la langue universelle de l’Europe ? Par où mérite-t-elle cette prérogative ? Peut-on présumer qu’elle la conserve ? » Rivarol, participant à ce concours, répondit que l’organisation politique de la France, le travail de la monarchie absolue expliquent que le français soit arrivé à ce degré de perfection. De même que la situation géographique de la France explique aussi la suprématie du français sur l’anglais. La forme syntaxique de la langue de Molière serait plus proche de qu’il nomme « l’ordre naturel » que les langues anciennes ou étrangères. Rivarol s’inscrit là dans l’affirmation de l’universalité des Lumières, alors même que Herder défendait déjà l’idée qu’en chaque peuple, un génie national, exprimable d’abord et avant tout par sa propre langue, légitimait l’égalité des langues dans l’expression des idées, notamment dans Une autre philosophie de l’histoire (1770).

Rivarol est aussi connu pour avoir écrit un Petit Almanach de nos Grands Hommes, en 1788, et le Discours Préliminaire d’un dictionnaire de langue française qu’il n’écrivit jamais. Amateur de maximes et d’aphorismes, il fut aussi un journaliste favorable à Louis XVI dans les premières années de la Révolution, avant de s’exiler. Il meurt à Berlin en 1801. Son moralisme l’a fait surnommer par Edmund Burke « le Tacite de la Révolution ».  

 

Et à ce propos, je vous propose quelques-unes sur une poignée d’aphorismes extraits de ses Notes, Réflexions et Maximes :

 

« La raison est historienne, mais les passions sont actrices. »

C’est pour moi une attaque très explicite des philosophes du XVIIIe siècle, et de leur conviction selon laquelle c’est la raison et l’expérience qui doivent motiver l’action humaine, hors des passions. Ainsi, la raison n’aurait pas sa place dans l’Histoire. Les plus grands crimes eurent parfois pour motif l’argumentaire le plus froid, le plus rationalisant : Pensons à la Shoah…

« Le vrai philosophe est celui qui se place, par le seul effort de sa raison, au point où le commun des hommes n’arrive que par le bienfait du temps. »

C’est là l’attaque de ceux qui, à l’instar de Diderot, désiraient « éclairer le peuple », parce qu’ils se déphaseraient de la société. Peut-être est-ce ici que Rivarol attaque plus précisément, ceux que Jonathan Israël, spécialiste du XVIIIe siècle, classe dans ce qu’il a nommé les « Lumières radicales », qui en plus de l’anticléricalisme commun au courant dominant des Lumières désiraient s’en prendre à l’idée même de Dieu.

« Les philosophes sont plus anatomistes que médecins : ils dissèquent et ne guérissent pas. »

Interprétation : Les philosophes ne servent à rien. Ce n’est pas pour rien qu’un hebdomadaire contemporain fondé par René Malliavin a pour nom Rivarol. L’attaque des philosophes est une légitimation du combat contre-révolutionnaire qui fut celui de Rivarol dans les douze dernières années de sa vie, où il se fit défenseur de Louis XVI et d’une sorte de monarchie populaire.

 

« Les esprits extraordinaires tiennent grand compte des choses communes et familières, et les esprits communs n’aiment et ne cherchent que les choses extraordinaires. »

Je me demande franchement si ce n’est pas l’inverse…

« La raison se compose de vérités qu’il faut dire et de vérités qu’il faut taire. »

On est là dans un paternalisme des plus communs, et qui légitime l’ignorance. Les peuples pourtant ne se révoltent que s’ils ont une raison profonde, loin des théorisations, qui les y incite… On ne fait pas couler le sang pour des abstractions, mais à cause du monde réel…

« Dans le monde, celui-là est un vrai philosophe qui pardonne à la société son défaut de fortune avec autant de calme qu’un tel, riche banquier, pardonne son défaut d’esprit à la nature. »

Jean et Janine Dagen, auteurs d’une Anthologie de la littérature française, précisent qu’il faudrait entendre « philosophe » au sens de sage stoïcien, et « fortune » au sens de richesse. En admettant cette lecture, le philosophe pardonne bien à toute la société qu’il soit pauvre, et non que celle-ci soit pauvre, tandis que le banquier admet qu’il est idiot, et non que la nature le soit.

 

« La mémoire est toujours aux ordres du cœur. »

La passion serait donc la véritable mémoire émotionnelle, et l’on ne se souviendrait que de ce que le cœur daigne se souvenir. La rationalisation n’aurait donc aucune réalité.

 

« Le plus bel artifice de l’esprit humain, qui consiste à créer des termes collectifs, a été la cause de presque toutes ses erreurs. »

 

On pourrait voir une contradiction dans ce refus des « termes collectifs », puisqu’il s’agirait de renier l’entité collective pour ne plus retenir que des individus, ce qui est pour le moins peu conforme à la tradition contre-révolutionnaire. Mais on peut aussi admettre que tout individu est complexe… Les termes collectifs sont vraisemblablement, au vu du contexte, les termes de « Nation », de « souveraineté populaire », qui furent les conceptions et les arguments utilisés par les révolutionnaires pour contester puis abattre l’autorité royale.

 

Une dernière citation : « Lorsque les peuples cessent d’estimer, ils cessent d’obéir. » Aujourd’hui devise du journal Rivarol, elle est peut-être la plus vraie de toutes.

 

Vincent Téma, le 13/12/23 (vincentdetema@gmail.com)

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