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L’athée irréprochable face au tribunal de Dieu selon d'Holbach

Lorsque Paul-Henri Thiry, baron d'Holbach, imagine un athée sans défauts arrivant au tribunal du jugement, cela donne ça...

 

 

L’athée irréprochable face au tribunal de Dieu selon Holbach

(publié sur le blog le 30/08/23)

 

 

 

Le baron d’Holbach, auteur du siècle des Lumières et grand défenseur de l’athéisme, imagine dans son plus célèbre ouvrage, intitulé Système de la nature, ou des Lois du Monde Physique et de la Morale, publié en 1770, imagine l’arrivée devant le tribunal divin d’un athée moralement irréprochable. Ce court extrait est à transmettre à tous les croyants un tantinet sectaires. Et à tous ceux désireux d’entamer un chemin différent de celui du théisme, du déisme ou de l’agnosticisme, dans toutes leurs variantes.

Je précise, pour répondre immédiatement à certains esprits fâcheux, que le but de cet article n’est pas de provoquer les croyants. Je précise d’ailleurs à ceux-ci une vérité d’évidence : seule la confrontation avec des argumentaires opposés peut aiguiser l’esprit, fortifier la foi, permettre de s’affirmer en conscience comme étant authentiquement pieux (et de le prouver à celui en qui vous croyez).

Voici l’extrait :

 

« (…) s’il existait un dieu ; si Dieu était un prêtre rempli de raison, d’équité, de bonté, et non un génie féroce, insensé, malfaisant, tel que la religion se plait si souvent à le montrer ; que pourrait appréhender un athée vertueux, qui croyant, au moment de sa mort s’endormir pour toujours, se trouverait en la présence d’un dieu qu’il aurait méconnu et négligé pendant sa vie.

- Ô Dieu, dirait-il, père qui t’es rendu invisible à ton enfant ! Moteur inconcevable et caché que je n’ai pu découvrir ! Pardonne si mon entendement borné n’a pu te connaître, dans une nature où tout m’a paru nécessaire. Pardonne si mon cœur sensible n’a pu démêler tes traits augustes, sous ceux de ce tyran farouche que le superstitieux adore en frémissant. Je n’ai pu voir qu’un vrai fantôme, dans cet assemblage de qualités inconciliables dont l’imagination t’avait revêtu. Comment mes yeux grossiers auraient-ils t’apercevoir dans une nature, où tous mes sens n’ont jamais pu connaître que des êtres matériels, et des formes périssables ? Pouvais-je, à l’aide de ces sens, découvrir ton existence spirituelle, qu’ils ne pouvaient soumette à l’expérience ? Comment trouver des preuves constantes de ta bonté dans tes ouvrages, que je voyais aussi souvent nuisibles que favorables aux êtres de mon espèce ?Mon faible cerveau, forcé de juger d’après lui-même, pouvait-il juger de ton plan, de ta sagesse, de ton intelligence, tandis que l’univers ne me présentait qu’un mélange constant d’ordre et de désordre, de biens et de maux, de formations et de destructions ? Ai-je pu rendre hommage à ta justice, tandis que je voyais si souvent le crime triomphant et la vertu dans les pleurs ? Pouvais-je donc reconnaître la voix d’un être rempli de sagesse, dans ces oracles ambigus, contradictoires, puériles que des imposteurs publiaient en ton nom, dans les différentes contrées de la terre que je viens de quitter ?

Si j’ai refusé de croire ton expérience, c’est que je n’ai su ni ce que tu pouvais être, ni où l’on pouvait te placer, ni les qualités que l’on pouvait t’assigner. Mon ignorance est pardonnable, parce qu’elle fut invincible ; mon esprit n’a pu plier sous l’autorité de quelques hommes qui se reconnaissent aussi peu éclairés que moi sur ton essence, et qui, toujours en dispute avec eux, ne s’accordaient que pour me crier impérieusement, de leur sacrifier la raison que tu m’avais donnée. Mais, ô dieu ! Si tu chéris tes créatures, je les ai chéries comme toi ; j’ai tâché de les rendre heureuses, dans la sphère où j’ai vécu. Si tu es l’auteur de la raison, je l’ai toujours écoutée et suivie ; si la vertu te plaît, mon cœur l’a toujours honorée ; je ne l’ai point outragée, et quand mes forces me l’ont permis, je l’ai moi-même pratiquée ; je fus époux et père tendre, ami sincère, citoyen fidèle et zélé. J’ai consolé l’affligé : si les faiblesses de ma nature ont été nuisibles à moi-même ou incommode à d’autres, je n’ai du moins jamais fait gémir l’infortuné sous le poids de mes injustices, je n’ai point dévoré la substance du pauvre, je n’ai point vu sans pitié les larmes de la veuve ; je n’ai point écouté sans attendrissement les cris de l’orphelin. Si tu rendis l’homme sociable, si tu voulus que la société subsistât et fut heureuse, j’ai été l’ennemi de tous ceux qui l’opprimaient, ou la trompaient pour profiter de ses malheurs. Si j’ai mal pensé de toi, c’est que mon entendement n’a pu te concevoir ; si j’ai mal parlé de toi, c’est que mon cœur trop humain s’est révolté contre le portrait odieux qu’on lui faisait de toi. Mes égarements ont été les effets du tempérament que tu m’avais donné, des circonstances, dans lesquelles sans mon aveu tu m’as placé, des idées qui malgré moi sont entrées dans mon esprit. Si tu es bon et juste, comme on l’assure, tu ne peux me punir des écarts de mon imagination, des fautes causées par mes passions, suites nécessaires de l’organisation que j’avais reçu de toi. Ainsi, je ne puis te craindre, je ne puis redouter le sort que tu me prépares. Ta bonté n’eût point permis que je pusse encourir des châtiments par des égarements inévitables. Que ne me refuserais-tu le jour, plutôt que de m’appeler au rang des êtres intelligents pour y jouir de la fatalité de me rendre malheureux ? Si tu me punissais avec rigueur et sans fin, pour avoir écouté la raison que tu m’avais donnée : si tu me châtiais de mes illusions ; si tu te mettais en colère, parce que ma faiblesse est tombée dans les embûches que tu m’avais dressées de toutes parts, tu serais le plus cruel et le plus injuste des tyrans, tu ne serais pas un dieu, mais un démon malfaisant, dont je serais forcé de subir la loi et d’assouvir la barbarie ; mais dont je m’applaudirais d’avoir, du moins pour quelque temps, secoué le joug insupportable. »

 

Je suggère aux véritables chercheurs de vérité de lire l’ouvrage d’Holbach ( celui où se trouve cette longue citation) en entier, ainsi que l’ensemble de son œuvre. Holbach est un authentique savant, un ami de la Raison, et un homme intellectuellement honnête. Trois bonnes raisons de le lire, que l’on adore le Dieu d’Abraham ou non. Au-delà de son athéisme militant, on peut voir Holbach comme un intellectuel suggérant d’être honnête envers soi-même. Un objectif que je ne peux que vous suggérer de viser…

 

Vincent Téma, le 29/08/23.

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